vendredi 5 octobre 2012

La troisième vie du "Columbus"


La "Mégaventure Pirate" de Bordeaux succédant le week-end prochain, à la "Megabaston Pirate" d'il y a deux ans, il me fallait un nouveau navire pour honorer dignement nos courtois hôtes.
Cela faisait donc quelques mois que je cherchais une base de navire à modifier, comme je l'avais fait avec mon cotre, il y a deux ans.
C'est ainsi que je suis tombé sur ce bateau dans une brocante Proposé à 10 euros, je l'ai négocié à 8. Ces gens n'avaient vraiment pas envie de le remmener tant il avait été difficile à amener jusque là.
Il faisait 57 cm de la figure de proue, à la poupe. Une épaisse couche de poussière, résistante au brossage, témoignait d'une longue exposition.
Le bateau, tel que je l'ai acheté, 8 euros sur une brocante à Quimperlé.


Le même, débarrassé de tous ses oripeaux.
La première étape a été de faire sauter toutes ses attributs horribles pour récupérer la coque "nue".
Le grément était de belle facture avec des cordages de diamètres différents, des épissures nombreuses et de petits anneaux de cuivre, soudés à la main. Le gars s'était visiblement fait ch.er.
Les bois utilisés étaient exotiques. Certaines pièces de contreplaqué et  des surfaces de "faux-bois autocollant" signaient cependant une origine pas si ancienne que ça.
Je n'ai, hélas, pas trouvé de message secret dans le grand mât, ni de personne pour surenchérir en me bousculant quand je l'ai acheté. (Tintin, si tu me lis... passe ton chemin, c'est pas une "Licorne")
Les sabords et parures arrachées laissent apparaître d'autres couleurs. 
Destiné à jouer sur table, il a fallu découper la coque au niveau de la flottaison. C'est Laurent, comme ma dernière fois, qui s'en ai chargé, sur sa machine à bois.
En faisant sauter les hublots-sabords circulaires (des rivets, en fait), je me suis aperçu que d'autres couleurs apparaissaient sous la peinture uniformément brune. Du jaune, du noir et du bleu clair, ce navire avait déjà eu une précédente affectation avant d'être repeint ainsi.

...et même un nom! Le "Columbus" émerge, de sous la peinture marron.
Il s'appelait même "Columbus". J'ai chercher un peu pour voir si je trouvais des traces de bateaux s'appelant ainsi, sans succès. La forme de la figure de proue, évoquant un visage de statue mohai, m'a fait penser que ce navire avait peut être été construit sur une île du Pacifique.
Peu importe, il allait être modifié en Bretagne et ne serait plus pacifique du tout.

Je me suis ensuite mis en quête de la forme que j'allais donner à ce vaisseau en le reconstruisant. Je m'étais vu reprocher le côté trop moderne de mon cotre, aussi je penchais pour un navire plus ancien. C'est une silhouette hollandaise de 1663, le "Friesland" qui a retenu mon attention. Voici le profil qui allait désormais guider la reconstruction. 

De nombreuses photos accessibles sur le net me permettraient , en outre, d'en observer de nombreux détails.
La silhouette que je voudrais obtenir. Celle d'un vaisseau hollandais de 1663.

Pour placer le pont central, il a fallu rogner les couples centraux. Heureusement, le bois était tendre et un petit coup de disque à découper, monté sur Dremel en vinrent à bout rapidement et facilement.
Les couples du centre, rognés pour pouvoir placer le second pont.
Les trous circulaires des précédents hublots-sabords furent comblés à la pâte à bois (mélange de sciure et de colle à bois) avant de tracer les nouvelles ouvertures.
Difficile de tracer des deux côtés de la même façon sur des surfaces aussi bombées. Mon bateau n'est d'ailleurs pas franchement symétrique.

le traçage et le découpage des sabords.
Je me voyais mal fabriquer un à un les quarante-six sabords dont j'allais avoir besoin pour ce navire. Heureusement, Dorian, un copain modéliste qui a l'habitude de fabriquer des moules pour résine, a très gentiment accepté de me dépanner. Je lui ai donc fabriqué quatre épreuves en Miliput et les lui ai expédiées. Trois semaines plus tard, il me renvoyait le tout, dupliqué impeccablement, en résine.

les sabords, sculptés par mes soins dans du Miliput.
Pour les sabords, j'ai utilisé ma technique habituelle de fabrication de clous. (cf mon article relatif à cette technique originale, dont je ne me lasse décidément pas).
les mêmes, achevés. Les clous sont aussi de ma conception toujours selon la même technique.

Pour me faciliter la tâche dans cette laborieuse réalisation, j'ai tout de même acheté pas mal d'articles tout faits (caillebotis, cap de moutons, nids de pie circulaires...) dans le commerce.

Les caillebotis de chez "Mantua Model".

Mon bateau sera soclé, comme le précédent, sur un socle de mer. Il y aura une cale permettant d’accueillir des figurines ou du fret sous le caillebotis.
Je place une feuille (couvercle de boîte à gâteaux en métal) sous le papier quadrillé, pour que les figurines, aimantées, ne se baladent pas dans les soutes au gré du roulis. Un renfort soutiendra la grand-mât, sous le pont médian.
Le socle. Le "X" est destiner à soutenir le mât central, sous le pont central.
Dans la réalisation de tous les ponts, je me suis astreint à placer de petits aimants devant les sabords. Destinés à stabiliser les canons, eux-même dotés d'un aimant, ils éviteront la casse et les éclats de peinture, que j'ai connus sur les canons de mon précédent modèle.
les deux moitiés du pont central. On voit les petits aimants qui seront masqués par les lattes du pont.

Les affuts des canons ont été retravaillés par mes soins sur une base de figurine "Dixon" rehaussée. J'ai ensuite fabriqué un moule en silicone pour les dupliquer en alliage "Darcet". Il me fallait en effet, 10 gros canons pour le pont inférieur et 12 de calibre inférieur pour le pont supérieur (C'est d'une logique implacable, non ? ^_^ ) 
Les affûts en place. l'un d'entre eux, à l'envers montre où est placé son aimant.
J'ai ensuite progressé vers les extrémités avant et arrière en improvisant selon ce que je trouvais pour m’appuyer, de la structure pré-existante. Je voulais aussi respecter la courbure (le bouge) pour les ponts supérieurs.
Partout où se trouvaient des canons, j'ai placé des aimants. Évidemment, il faut toujours vérifier la bonne cohérence de ceux-ci. C'est ainsi que je me suis trompé de sens pour ceux que j'ai placés sous les 12 derniers canons. Ils se voyaient donc repoussés (magnétiquement) loin des sabords où ils devaient être logés!
J'ai donc dû tout refaire. Quand on sait combien de fois on se colle les doigts à la cyanolite pour chacun des aimants qu'on essaye de placer, vous comprendrez ma douleur.
Vous allez me dire: "Et la pince à épiler ? C'est pas pour les chiens !" sauf que... mes pinces à épiler sont métalliques et attirent particulièrement les aimants pleins de colle. Bref, des heures de joie.
Les supports du troisième pont. Ils induiront le bouge (la courbure) de celui-ci.

le troisième pont et la base du grand mât.
Sur les illustrations, les châteaux arrières des vaisseaux de cette époque étaient outrageusement décorés et dorés. J'ai eu l'idée de belles torsades, que je ne me voyais cependant pas sculpter.
Je me suis alors dit: "Je vais faire fonctionner mon intelligence! (ta quoi?)" et j'ai procédé ainsi:
Une torsade de fil électrique gainé, puis abrasée sur un coté pour être plaquée contre la petite pièce de bois.
Attention, le cuivre chauffe très, très fort et très loin, quand on le rabote ainsi électriquement ! Brulure des doigts garantie! "T'as qu'a prendre une pince ! "... Heu oui,... j'ai essayé aussi. En chauffant, le cuivre ramolli la gaine plastique et celle-ci prend irrémédiablement l’empreinte de la sculpture anti dérapante de la pince.  J'ai donc fini par m'improviser une pince "douce" faite de carton fort pour tenir mes "colonnettes" lors du ponçage des extrémités.
Du fil électrique torsadé, pour faire les colonnettes sculptées, qui orneront la galerie du château arrière.
Pour le château arrière, j'aurais, bien sûr, pu faire dans la simplicité. Et bien non! c'est sans doute pour ça que je n'ai pas réussi à boucler mon projet en 6 semaines comme je l'avais imaginé initialement. Le "Spartiate" ne pourrait ainsi pas prendre part à la "Mégaventure". Il figurera juste comme ponton, et sous un nom espagnol qui plus est !
Pour faire beau et compliqué, j'ai tracé toutes les fenêtre obliques, avec une ligne de fuite bien au delà de la feuille (histoire de simplifier, là aussi). Les verres des fenêtres sont en blister plastique de récupération.
La poupe, richement décorée (fil électrique, blister plastique transparent, balsa).
Comme vous pouvez le constater, sur le profil initial du bateau que j'avais acheté, l'arrière est beaucoup plus incliné que le profil que je voulais obtenir (plan). J'ai donc rallongé l'arrière de quelque centimètres en partie basse (Polystyrène, carton... c'était merdique mais j'y suis parvenu).
Un petit parement en bois et couche d'enduit pour "égaliser".
Le prolongement de la coque pour "redresser" la poupe, trop inclinée.
Puis, pour faire zoli, je me suis dit: Faut encore de la déco.... et je la voulais en relief. Alors je me suis dit "Je vais faire fonctionner...". Ok, en fait, j'ai fait un enduit assez liquide et j'ai "peint" avec. Deux épaisseurs et j'obtenais ceci.
Peindre avec de l'enduit pour créer du relief. Un essai.
Une fois repeint en bleu, on vois bien que c'est en relief.
Je décidais donc, que ma version française de ce vaisseau hollandais serait paré de fleurs de lys. Une fois dorées, elles seraient magnifiques (Oui ! Parce qu'en plus de pouvoir faire fonctionner mon intelligence, je ne suis pas dénué de modestie)
Une fois en bleu, on distingue nettement la sur-épaisseur.
Je place deux canons de fuite, comme sur le modèle, même si je SAIS que je n'aurai jamais à m'en servir.Comme vous pouvez le constater, l'arrière est bombé lui aussi... et vous n'imaginez pas à quel point les complications qu'engendrent une telle option et terme de traçage, de découpe et d'assemblage. mais c'est tellement plus joli et tellement plus conforme.

La coque enduite et l'emplacement des deux canons de fuite, sous la galerie.

Les flancs du château arrière ont été très compliqués à réaliser.
Ils auraient du être tout en rondeurs et en arrondis fluides... mais ça, je sais pas faire. Je les ai d'ailleurs bien ratés, trop larges, alors qu'ils auraient presque dus se fondre dans la coque, dans leur partie antérieure. C'était du "sur mesure" et des volumes compliqués. C'est là, que je me suis vraiment rendu compte que mon bateau n'était pas symétrique (surtout à tribord, ^_^ ) mais bon... personne ne le saura.
les flancs de la galerie.
C'est à ce stade du chantier que Dorian (Grâce lui soit rendue) m'a envoyé mes dizaines de sabords. Il avait vu large afin que je sois en mesure de choisir les mieux dimensionnés. Par contre, il y allait y avoir un gros travail de ponçage/dégrossissage dessus.

Mille milliards de mille sabords ! (Merci Dorian !)
 Heureusement un "rouleau" à abraser sur ma mini-perceuse et kof, kof, kok ! Le ...kof est joué!
Le ponçage des sabords en résine. Non, je ne blanchis pas ! C'est la poussière !

Un peu d'astuce? Mes 46 sabords, une fois égalisés, sont collés sur un support provisoire où ils seront apprêtés à la bombe noire, puis peints et enfin vernis avant d'être décollés individuellement pour être placés sur la maquette.

Il fallu que je fonde 28 canons et 34 futs pour avoir les 62 bouches à feu qu'affichera mon vaisseau. Là aussi, des heures de plaisir au dessus du gaz avec des "oublis" engendrant un puant et  toxique nuage de dioxyde de plomb (Jusque là, je me contentais d'en manger).
Le modélisme est décidément dangereux, j'aurais mieux fait de me passionner pour le parachutisme.
La pénible épreuve de la fonderie, du sciage et du brochage des nombreux canons "inaccessibles"
Les fûts, alignés sur une base facilitant leur manipulation pendant la peinture et le vernissage.
Ces fûts iront dans les sabords "noirs".

Les dernières vues. Le travail de peinture a été long  (quatre couches de jaune pour faire disparaître les couleurs précédentes. Là où le modèle hollandais proposait du "vert", je me suis résolu à du "bleu roi" que j'ai estimé de meilleur aloi pour un français. Il restera à placer tous les canons "complets" de l'entrepont et du pont supérieur.


Le "San Felipe" tel qu'il sera à la "Mégaventure de Bordeaux". Une tempête l'aura malheureusement démâté complètement.

Vue aérienne.
 Ne voulant pas bâcler la fin des travaux. Je me suis résolu à renoncer pour Bordeaux les 6 et 7 Octobre. En effet, le gréement au complet me restait encore à réaliser alors que je n'avais toujours pas fini les décos de la coque (balustrades, ornementations, ancres, portes- haubans...).
sans doute encore deux à trois semaines de gros labeur pour parvenir à ce que je souhaitais.
Le "San Felipe" servira donc de ponton... espagnol.
De trois-quart arrière. il faudra encore beaucoup de travaux pour le transformer en "Spartiate" français.






Le commissaire aux armements et l'intendant de marine présentent la fonderie au capitaine de vaisseau.

Les gabiers. Pour pouvoir les accrocher sans risque dans les enfléchures, je leur ai mis de discrets ergots en fil nylon, invisible, au niveau des mains.

3 commentaires:

maxson a dit…

super boulot

courage pour la suite

Engel a dit…

Great looking ship!

Eutha, l'archiviste. a dit…

Thank-you guys.